Une profession de foi

La littérature doit manifester de mauvaises intentions et de mauvais sentiments. Elle ne sert pas à vider la tête mais à la prendre, n’éloigne pas le lecteur de ses problèmes mais le plonge dedans et lui en procure auxquels il n’avait pas songé – la source du plaisir littéraire se situe ici et surtout pas dans une quelconque élégance formelle ni une manière docile de se tenir à l’écart de l’enfer. La bonne littérature est lourde, brutale, crasseuse, braillarde. Elle exacerbe la vie telle qu’elle ne va pas. De là vient la jouissance qu’elle procure.

À bas les romans qui racontent des voyages en Mercedes, de Paris à je ne sais où, pour tenter de baiser, ne pas y arriver et en tirer des conclusions sur la marche du monde et la haine de soi ! Vivent les romans qui montrent comment les idiots, les cinglés, les inadaptés, les marginaux, les échappés, les obsédés, les possédés, traversent l’apocalypse ! Vivent les monstres et les univers monstrueux ! Vivent le grotesque, l’horrible, le crado, le chaos, l’impossible !

À bas les ectoplasmes ! Vive le train-fantôme !

Ça se confirme : Jérôme Bosch est mon écrivain préféré.

Je m’adresse à tout le monde mais en priorité aux adultes qui ne vont pas bien et aux adolescents qui se demandent comment aller bien dans ce monde de cons.

Mes personnages partent en couilles ou se mettent hors-jeu pour qu’à la fin on se demande si partir en couille ou se mettre hors-jeu ne serait pas la solution au problème sans solution que pose le fait de vivre ici et maintenant.

Les héros de mes livres développent une pensée nihiliste, instinctive, romantique, individualiste et qui échoue. Ils affrontent une réalité nihiliste, rationnelle, froide, totalitariste et qui réussit. Nos vies sont le théâtre d’une lutte entre des aspirations singulières (qu’elles soient saines ou morbides, délirantes ou sensées) et un déterminisme qui nous contient presque tout entier. Dans ce « presque » se joue à la fois la chance d’exister pleinement et la douleur de ne pas y parvenir. Fabriquer des romans gorgés de malheur, d’horreur, de surnaturel et de libido bizarre me semble un bon moyen de le montrer.

J’écris sur la violence, la pulsion de mort, le désir, l’angoisse, l’aliénation, l’errance, la fuite, le deuil, le manque, la névrose, la psychose, l’obsession, le refus. Je propose des livres malpolis, mal lavés et pas assez éduqués pour détourner les yeux ou changer de sujet quand il le faudrait ; mes pages sentent la merde.

J’écris sans pitié – un écrivain n’est rien de plus qu’une machine à enregistrer et retranscrire la douleur existentielle. Mes textes, en revanche, font preuve de compassion et tentent de développer celle de mes lecteurs envers eux-mêmes et envers ceux dont mes personnages sont les reflets.

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